Après de longues journées pluvieuses, le soleil était enfin revenu, baignant les bois d’une douce lumière.
La terre se réchauffait lentement séchant ainsi les dernières larmes de pluie.
Popeline prit son petit panier et bien emmitouflée dans sa cape de feutrine, partit ramasser des châtaignes dans la forêt.
La Nature avait revêtu sa robe automnale, des odeurs suaves de terre humide et de mousse s’élevaient du sol.
La petite fille de chiffon ne cessait d’admirer les couleurs rousses et brunes des arbres.
Le ciel d’un bleu pâle n’était troublé par aucun nuage.
Les écureuils couraient joyeusement d’arbre en arbre, les oiseaux chantaient allègrement profitant de l’extraordinaire quiétude du temps.
La petite fille remplissait son panier lorsqu’elle sentit une présence qui la mit mal à l’aise.
On l’observait de derrière les fourrés.
Popeline s’arrêta et scruta, en plissant ses beaux yeux lavande, les fougères roussies en cette saison.
Une forme animale semblait s’y dissimuler…
La fillette avança timidement et vit deux yeux d’une magnifique couleur ambrée qui la dévisageaient.
La bête bondit hors de sa cachette et saisie d’effroi, Popeline s’évanouit.
Quant elle reprit connaissance, la créature qui se tenait devant elle n’était pas hostile et fit même quelques pas en arrière pendant que la petite fille se relevait.
L’animal était superbe et imposant.
Son pelage gris mêlé de noir faisait ressortir des yeux obliques à l’iris jaune d’or.
Les oreilles courtes, dressées sur une tête au fin museau lui donnaient une allure fière et altière.
Son cou et ses épaules larges et puissantes inspiraient le respect.
Cette gueule d’amour qui effrayait tant les humains, attendrit en un instant la fillette.
Sa peur se dissipa et poussée par un mystérieux élan, Popeline s’approcha du loup.
– Tu n’as pas de crainte à avoir, dit l’animal.
Je m’appelle Solthar, il y a bien longtemps déjà lorsque je n’étais qu’un jeune louveteau, les humains ont décimé ma meute.
Voyant le danger, ma mère Mâa me cacha bien à l’abri dans une tannière masquée par les ronces.
Là, pleurant et tremblant d’angoisse, j’ai entendu des coups de feu et les hurlements des miens se sont transformés en gémissements.
Au terme d’une insoutenable attente il n’y eut plus un bruit, plus une plainte…
A la tombée de la nuit, je sortis de ma cachette et découvris avec effroi que les hommes avaient eu raison de ma famille.
Tous avaient été éliminés, victimes des anciennes légendes.
Dès lors, la survie sans ma meute protectrice fut un parcours semé d’embûches et de solitude…
Popeline qui avait écouté avec émotion le récit de Solthar, s’approcha du loup et passa sa petite main sur l’épaisse fourrure de l’animal pour le caresser.
En guise de réponse l’animal frotta délicatement son museau sur la joue de la fillette.
Ensemble ils continuèrent leur chemin à travers bois, se racontant leurs vies remplies d’histoires amusantes et tristes à la fois.
Soudain ! des cris, plutôt des appels aux secours résonnèrent dans le silence du sous-bois.
Poussé par cet instinct merveilleux des animaux, Solthar bondit en direction de la voix.
Sa course l’emmena près d’un vieil homme étendu sur le sol humide et froid.
Le loup s’approcha et commença à lécher son visage en guise de réconfort.
Les yeux voilés du vieillard ne trahissaient aucune appréhension, il agrippa la crinière du loup et s’aidant de la force de l’animal se mit debout.
Popeline accourue le plus vite possible, fut attendrie par la scène qui venait de se dérouler devant elle.
L’homme était un ancien bûcheron, il avait passé sa vie dans la forêt et lorsque ses yeux s’étaient éteints à tout jamais, malgré les heurts qu’il allait rencontrer, il avait décidé de rester vivre là, dans une modeste cabane… oublié de tous.
Solthar, le dernier loup, devint les yeux et le guide du vieil homme, celui-ci en échange lui offrit toute l’affection dont-il avait tant manqué durant ses longues années d’errance.
Tous deux vécurent des jours sereins rompant ainsi leurs solitudes.
Les vieilles légendes peuvent aussi avoir une fin, pourvu que celle-ci soit heureuse et que l’on ait le coeur de les réinventer.
Texte de Abigail
Ah les loups! commment peuvent-ils effaroucher les êtres humains alors qu’ils ne sont méchants avec eux, c’est bien sûr le contraire, mais vu les légendes qui racontent ce que les hommes aiment entendre, il est bien difficile de les convaincre du contraire, vous l’avez fait avec délicatesse, merci !